"Mer, campagne,silence, parfums de cette terre, je m'emplissais d'une vie odorante et je mordais dans le fruit déjà doré du monde, bouleversé de sentir son jus sucré et fort couler le long de mes lèvres.
Non, ce n'était pas moi qui comptais, ni le monde, mais seulement l'accord et le silence qui de lui à moi faisait naître l'amour. Amour que je n'avais pas la faiblesse de revendiquer pour moi seul, conscient et orgueilleux de le partager avec toute une race, née du soleil et de la mer, vivante et savoureuse, qui puise sa grandeur dans sa simplicité et, debout sur les plages, adresse son sourire complice au sourire éclatant de ses ciels."
Albert Camus, Noces à Tipasa
"Certes, tout ce que j'ai rencontré de rire sur les lèvres, j'ai voulu l'embrasser; de sang sur les jours, de larmes dans les yeux, j'ai voulu le boire; mordre à la pulpe de tous les fruits que vers moi penchèrent des branches. A chaque auberge me saluait une faim; devant chaque source m'attendait une soif - une soif, devant chacune, particulière;- et j'aurais voulu d'autres mots pour marquer mes autres désirs
de marche, où s'ouvrait une route;
de repos, où l'ombre invitait;
de nage, au bord des eaux profondes;
d'amour ou de sommeil au bord de chaque lit.
André Gide Les Nourritures terrestres
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