Citations


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Sous le soleil du matin un grand bonheur se balance dans l'espace" Camus - Noces à Tipasa

"Demain, je surprendrai l'aube rouge sur les tamaris mouillés de rosée saline, sur les faux bambous qui retiennent à la pointe de chaque lance bleue, une perle." Colette . La Naissance du JourDé

"Déjà mon reflet d'arbre planté devant moi
L'image de ma vie entre ciel et terre;
le tronc qui va profond, les rameaux coupés courts,
le double geste des branches dures qui veut être
un désir d'embrasser le ciel;
0 mes bras trop courts envieux des oiseaux."

Mas-Felipe Delavouet, Pouèmo I
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mardi 30 septembre 2014

Le Chant d'une Grive : Résonances

"Hier au soir je me promenais seul; le ciel ressemblait à un ciel d'automne; un vent froid soufflait par intervalles. A la percée d'un fourré, je m'arrêtai pour regarder le soleil : il s'enfonçait dans les nuages au-dessus de la tour d'Alluye d'où Gabrielle, habitante de cette tour, avait vu comme moi le soleil se coucher il y a deux cents ans (….)

   Je fus tirée de mes réflexions par le gazouillement d'une grive perchée sur la plus haute branche d'un bouleau. A l'instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel, (…) et transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où j'entendis si souvent siffler la grive. Quand je l'écoutais alors, j'étais triste de même qu'aujourd'hui; mais cette première tristesse était celle qui naît d'un désir vague de bonheur, lorsqu'on est sans expérience; la tristesse que j'éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l'oiseau dans les bois de Combourg m'entretenait d'une félicité que je croyais atteindre; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la recherche de cette félicité insaisissable. Je n'ai plus rien à apprendre, j'ai marché plus vite qu'un autre, et j'ai fait le tour de la vie. Les heures fuient et m'entraînent; je n'ai pas même la certitude de pouvoir achever ces Mémoires. (…)

                                                François-René de Chateaubriand
                                                 Mémoires d'Outre-Tombe, III, 1

Le chant de la grive suscite chez Chateaubriand une méditation sur la fuite du temps qui repose sur l'expérience de la vie.  C'est la distance entre deux âges que révèle soudain à la conscience de l'écrivain la mémoire affective, qui involontairement ressuscite le passé.





C'est ce même oiseau, symbolique de l'automne et des vendanges,  qui sert de médiateur dans le long poème méditatif de Mas-felipe Delavouët  Chanson de la plus Haute Tour 



 Le poète est à Aigues-Mortes, c'est le soir et les vendanges que l'on rentre font naître le souvenir de la grive.
   
                 
                                                                           
                           I

                       
"Pour sûr, - dit le Prince - on cueille le raisin
 et les enfants lampent le moût frais au tonneau,
mais cela dit l'été et sa pompeuse fin!
Seul le cri de la grive annoncera l'automne
        lorsque, un soir ennuagé,
pour le temps d'un soupir, l'oiseau naîtra du ciel.

Du fond des heures mortes, j'entends son cri aigu
qui m'appelle et me pousse à la plus haute tour.
Quand l'archer voit la lune au-dessus des créneaux,
l'oiseau glisse soudain aux fentes des nuages
         et, comme pierre dans le puits,
aux rives de mon coeur, jette ses éclaboussures.

Ah! s'éclaircisse l'eau autour de cet enfant
et vienne un soir ancien à la pointe des remparts
apporter dans ses nuages déchirés de vent
la grive sans renom et pourtant légendaire
            qui d'un seul cri élargissait
et ses ailes et le soir jusqu'où l'astre luisait.

Ô lune dans le vent comme cible vibrante,
le cri tinte sur toi et remplit l'ombre ronde
d'autant de clairs échos que, lune, tu as de reflets!
Ainsi plus de vingt fois l'enfant faisant sa ronde
       solitaire sur le sommeil des hommes,
entendit la grive amie qui appelait l'automne.

Coeur en forme d'oiseau, autour de toi la poitrine et ses arceaux
agrandissent à l'infini leurs nervures fines
jusqu'au réseau des absides du ciel :
le vent pousse, au hasard, la lumière et les ombres
            et passent à travers moi
la lune toute claire et les nuages sombres. "

Cansoun de la mai auto Tourre VII, 1

samedi 27 septembre 2014

Le Bayle-Vert et l'âme du poète

Il est des lieux qui vous marquent durablement et où, après les avoir quittés, une part de vous-même demeure. Ces lieux sont liés à une personne, un moment particulier de votre vie, un évènement fondateur.
En avril 1979 je suis venue pour la première fois au Bayle-Vert. Je venais rencontrer le poète sur l'oeuvre duquel je travaillais pour mon mémoire de maîtrise en littérature.





Plan fait par Mas-Felipe pour m'indiquer le chemin du Bayle-Vert
j'ai ajouté la photo prise lors de notre première rencontre.


Mas-Felipe Delavouet avait non seulement très gentiment accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions, mais il m'avait ouvert la porte de sa maison et avec sa femme Arlette, nous a invités (je venais juste de me marier) à revenir déjeuner.
Nous avions loué une maison non loin de Carpentras, Grans n'était pas très loin.

Ces journées passées au Bayle Verd, sous les vieux platanes, à écouter le poète parler de sa terre, de sa poésie, de l'art roman, sont à jamais inscrites dans ma mémoire.

S'ensuivit une correspondance durant quelques années, interrompue par le cours de la vie. Je n'ai plus ensuite osé, et j'ai eu tort, renouer ce lien. Mais j'ai continué à lire Pouèmo.


Il y a quelques mois, après une nouvelle recherche, j'ai appris la création du Centre Mas-Felipe Delavouët et en même temps la disparition prématurée de cet homme rare, que j'imaginais toujours
au centre de sa terre, avec son épouse.

J'ai retrouvé le chemin du Bayle-Vert. Ceci, grâce à Arlette, si accueillante, si chaleureuse, l'autre âme du domaine et je peux remettre mes pas dans les pas du poète, parler avec elle de l'homme, du poète, de son oeuvre et de sa terre.
     


Il ne sert à rien de regretter ce qui aurait pu être, si j'avais osé écrire plus tôt. Les êtres que l'on aime
on les croit toujours immortels… les poètes plus encore.

Mas-Felipe Delavouët est parti bien trop tôt, mais il est vivant dans sa poésie, dans la volonté d'Arlette de faire du Bayle-Vert un lieu de vie et d'accueil pour des chercheurs, de rééditer toute  l'oeuvre poétique.


"Bon accueil, ô roi, en ton nouveau pays,
si tu t'éveilles soudain en un cocon de nuages
pour voir ce soleil que personne n'a jamais vu
et qui, dans tes yeux clos, soudain rallume sa braise
pour te dire qu'ils sont vivants
et, tout juste, tu commences, mort, de goûter ta jeunesse!

Sois le bienvenu dans le pays de là-bas,
sois le bien parti dans le pays d'ici!"


Mas-Felipe Delavouët
Histoire du roi mort qui descendait le fleuve
version française





"Li léio de memori amon lou maubre dur
quouro mounti di sablo en mounument arrage.
Au nis di coumpoustié fisas li fru madur
e li mort fisas-lèi au nis di sarcoufage;
pièi, rabatès lou curbecèu
coume éli en sis iue clin an rabatu lou cèu."

Mas-Felipe Delavouët



fondation Guggenheim, Venise, printemps 2014

L'oeuvre  poétique de Mas-Felipe Delavouët est bilingue, le poète, à l'instar de Mistral a écrit ses poèmes en provençal et en a fait lui-même la traduction française.
Le Bayle-Vert fait partie de la Fédération Nationale des Maisons d'écrivains et des Patrimoines Littéraires.

Pouèmo I, II, et III, ont été publiés chez José Corti
Pouèmo IV et V  et une réédition de Pouèmo I, II, III sont publiés par le Centre de Recherches et D'Etudes Méridionales,  Chemin de Roussan et Cornud, 13210 Saint_Remy-De-Provence. 
Des tirés à part sont publiés chaque année, ainsi que des oeuvres inédites par le

Centre Mas-Felipe Delavouët
Le Bayle-Vert
13450 Grans





 fondation Pinault,  Dogana del Mare,Venise. Printemps 2014