Citations


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Sous le soleil du matin un grand bonheur se balance dans l'espace" Camus - Noces à Tipasa

"Demain, je surprendrai l'aube rouge sur les tamaris mouillés de rosée saline, sur les faux bambous qui retiennent à la pointe de chaque lance bleue, une perle." Colette . La Naissance du JourDé

"Déjà mon reflet d'arbre planté devant moi
L'image de ma vie entre ciel et terre;
le tronc qui va profond, les rameaux coupés courts,
le double geste des branches dures qui veut être
un désir d'embrasser le ciel;
0 mes bras trop courts envieux des oiseaux."

Mas-Felipe Delavouet, Pouèmo I
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samedi 23 juin 2012

Belles Lettres

Le temps est revenu des vide-greniers et brocantes de toutes sortes, riches surtout de choses inutiles, d'objets kitsch et ébréchés, et  où l'on trouve de plus en plus rarement, hélas, son bonheur
J'aime particulièrement chiner les vieux papiers, mais ils sont aussi de plus en plus rares, vieux registres de comptes à couvertures noires cartonnées, aux pages finement lignées de bleu et de rouge sur un papier épais et crémeux, où des chiffres proprement alignés à la plume- l'encre violette est presque effacée- occupent les colonnes débit et avoir. J'aime surtout les cartes postales anciennes qui nous font rêver de paysages intacts, aujourd'hui disparus, et plus que tout j'aime dénicher d'anciennes correspondances : sentiment ambigu de pénétrer dans la vie de personnes depuis longtemps disparues, elles aussi, d'être indiscrète, de surprendre des secrets,  et curiosité admirative à la lecture d'une façon de s'exprimer, d' une calligraphie parfaite, d'une expression rarement fautive, que l'on serait bien en peine de trouver à présent, à l'ère des textes phonétiques. Dans ma famille, l'on s'est toujours beaucoup écrit.
Mes parents s'écrivaient de longues lettres dès qu'ils étaient séparés, le temps d'une cure de mon père, ou des vacances aux Angles où il nous rejoignait le week-end, ils s'écrivaient : description de leurs journées, loin de l'autre, échange sur l'éducation des enfants, mots tendres, réconciliations. J'ai lu nombre de leurs lettres après leur décès, puis je les ai brûlées, pour éviter qu'elles ne finissent leur vie sur une brocante. Je n'ai gardé que leurs lettres de fiancés, de 1947 à 1950, souvent deux par semaine, où ils parlent de leur conception de la vie, de leurs rêves et de leurs espoirs, de leur tendresse, et de la vie difficile de l'après-guerre. Le roman de leurs vies. J'ai aussi gardé le journal de mon père à cette même époque. Une fois marié, il n'en a plus écrit.

 Pour en revenir aux lettres chinées dans des brocantes, en voici une, qui date du 1er may 1780, et qui, chaque fois que je la relis, me comble d'aise. Le jour où je l'ai trouvée, sous les grands platanes de l'avenue de la gare à Olargues, sur un étalage où elle côtoyait de vieilles factures, des albums de timbres, et de buvards publicitaires, des faïences et terres de fer, je me suis sentie incroyablement fortunée.
Elle est ainsi pliée, le coin droit déchiré est celui où fut apposé le cachet, dont il ne reste qu'une trace rougeâtre, et l'empreinte, difficilement déchiffrable, il me faudra chercher les emblèmes du sceau du marquis de A de Saint Geniès dans la héraldique et celui de monsieur de Rives. La révolution couve, mais n'a pas encore eu lieu,
le château de Saint Geniès existe toujours .




  voici donc le contenu de cette lettre savoureuse, parfois difficile à déchiffrer, j'ai établi une ponctuation inexistante dans la lettre, pour une meilleure compréhension.

 A  Monsieur le Marquis de Saint Geniés à son château à Saint Geniès

"Les habitants de votre chartreuse Monsieur et très cher cousin ne sont ny chartreux ny châtrés, car on y fabrique des enfants en contrebande et on en gratifie les voisins, la nommée madeleine, fille de votre chasseur en a remboursé un de la façon, à ce qu'elle prétend, d'un nommé Bousquet de Puissalicon, qu'elle a été éclore chez la nommée Bacoune à Corneilhan, cette fille a eu la sotte précaution de ne se faire ouïr ny déclarer sa grossesse malgré la disposition des ordonnances qui veut que toutes les filles en pareille occasion déclarent leur grossesse au procureur du roy sous peine de la corde et fut mise par cela seul dans un très mauvais cas; ne voulant ny ne pouvant sans doute garder ce paquet on luy a conseillé de le porter à Puissalicon chez le père prétendu de cet enfant. Elle s'y est rendue en conséquence, accompagnée seulement d'une autre petite fille de Corneilhan à l'entrée de la nuit. Elles ont demandé à une autre fille qu'elles ont trouvé dans le village, la maison de dit Bousquet qui les a conduites à la porte où elles ont déposé l'enfant après en avoir averti la fame qui s'attendant à tout moment à cette visite avait fermé bonne porte, leur chanta pouilles par la fenêtre et leur jetta  même une pierre, cet enfant par une espèce de miracle fut trouvé peu de temps après à la porte du village la plus proche de la maison de Bousquet sans qu'on puisse sçavoir qui le luy a porté, cette fille dit que c'est la bousquette pour s'en débarrasser et l'autre dit que c'est cette fille; au fonds la présomption n'est pas contre elle par ce qu'elle n'aurait pas pris des témoins ny instruit tout le monde de la marche qu'elle aurait voulu exposer cet enfant, cependant il est livré jusques aux bras séculiers et ny dans l'un ny dans l'autre cas Madame de Gaulijac de doit en demeurer chargée, ainsi si ces gens là ne s'arrangent pas entre eux pour pourvoir à la sûreté et nourriture de cet enfant vous sentez que dans cette position on ne peut se dispenser de diriger la plainte que contre cette fille dont l'accouchement est prouvé sauf à elle de déclarer et approuver ce qu'elle a fait de l'enfant, on a requit au père qui a répondu qu'il ne s'embarrassait pas de cette fille et qu'il ne voulait pas en entendre parler. J'ay été bien aise de vous en prévenir afin que vous ayéz la bonté de luy parler et de luy donner là dessus le conseil que vous trouverez le plus convenable à ses intérêts par l'attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être

                                                              Monsieur et très cher cousin

mes respects je vous prie à vos dames
et bien des amitiés au cher cousin                                 votre très humble et très
                                                                                      obéissant serviteur

                                                                                                             
                                                                                         De Rives



Béziers le 1e may 1780

Puissalicon



vendredi 22 juin 2012

Jeux d'eau

je ne saurais vivre loin d'une rivière, de sa respiration, de ses jeux de lumière, de ses caprices, de son chant.
J'ai grandi au confluent de deux rivières, et si nous redoutions leurs débordements, nous étions fascinés par leur mystère, elles nous attiraient si fort qu'à trois ans, mon plus jeune frère - né sous le signe du poisson -, enjambant son parc et trottant sur ses petites jambes résolues,  s'y jeta résolument et fut repêché à temps par une brave femme qui étendait sa lessive sur l'autre rive. Cela fit les gros titres du journal local, au désespoir de ma mère qui, dès lors ne sortit plus mon petit frère que dûment harnaché, au bout d'une laisse ( cela existait, les harnais pour enfant).

Je viens de me promener seule dans les ramiers de l'Ariège. L'air vibrait de trilles, de gazouillis, de tout une chorale d'oiseaux invisibles. Un geai s'est envolé sous mon nez, éclair bleu et fauve, une grenouille verte a bondi sous mes pieds vers le refuge des hautes herbes, une magnifique couleuvre a traversé le chemin, indolente ondulante, juste un froissement d'herbe. Une flottille de canards pêchait en famille, il y avait au moins une dizaine de canetons.  L'Ariège est en fleurs. de longues herbes dorées flottent couvertes d'une neige de fleurs blanches, elles me font songer à ces étranges et magnifiques images du film "La Nuit du chasseur" : au fond de la rivière ou la lumière allument des étoiles, la jeune mère assassinée par le chasseur,  est assise dans la voiture immergée. Derrière elle sa chevelure dénouée flotte  comme de longues algues.
Il ne me surprendrait point de voir aussi, soudainement passer "comme un grand lys", la belle Ophélia parmi les longues herbes, comme dans le tableau de Burnes-Jones.
En ce moment l'Ariège est encore haute, et dans cette lumière dorée elle n'a jamais si bien mérité son nom. Le courant y est vigoureux, les berges sont encore couvertes d'un duvet d'herbe, la lumière y
"pleut" admirablement.










Mais toute médaille a son revers, le temps de prendre quelques photos, des escadrons de moustiques en embuscade m'ont attaquée et pris mes bras comme terrain d'atterrissage et garde-manger. J'ai hissé le drapeau blanc.

jeudi 21 juin 2012

Poème du jour

Ceux qui nous sont chers ne sont que cendres
          jetées dans les marais
Et leurs os fragmentés sont cailloux dispersés.
Nous, bien vivants, avons parlé de rites,
de reliques
De pain de rires et de vins.
0 démence bienheureuse!
Le livre des morts tourne ses pages.
Un visage enfouit vivant sous la poussière.
La terre est toujours un pré d'Or.
Le vent, dans la forêt, effeuille la gloire.

                                       Jean Malrieu (Le nom secret)



La nuit dernière j'ai rêvé de ma mère, elle était si proche que j'aurais pu l'embrasser.

lundi 11 juin 2012

Marcelline Desbordes-Valmore

Je relis en ce moment les poèmes de Marcelline Desbordes-Valmore, dont Baudelaire et Verlaine s'accordaient à reconnaître le talent, et la grande sensibilité.

        Les Séparés

N'écris pas! Je suis triste, et je voudrais m'étreindre;
Les beaux étés, sans toi, c'est l'amour sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre;
Et, frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
                              N'écris pas!

N'écris pas! n'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi si je t'aimais.
Au fond de ton silence écouter que tu m'aimes,
c'est entendre le ciel sans y monter jamais.
                             N'écris pas!

N'écris pas!Je te crains; j'ai peur de ma mémoire;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
                             N'écris pas!

N'écris pas ces deux mots que je n'ose plus lire:
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur,
Que je les vois briller à travers ton sourire;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
                             N'écris pas!

De retour...

J'étais en retraite....
j'avais fait voeu de silence
j'ai fait une allergie à l'écran
je suis une intermittente du blog...
voici quelques explications pour cette absence.
il y en a des tas d'autres. Le temps n'étant pas propice au fare niente sur un transat, me voici de retour...

avec quelques découvertes.

D'abord "le Journal d'un corps" de Daniel Pennac, que je lis avec délectation. Le narrateur  a parfois des accents
 de Montaigne, des moments très drôles, d'autres poétiques, d'autres plus graves, pour parler de son corps.
C'est assez revigorant. "Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous..."

Autre découverte : le château de la Réole, et la très belle exposition Bergougnan.
Un bonheur. Il faut juste faire abstraction de la désespérante banlieue de Blagnac, Cornebarrieu. Aux alentours de Lévignac le plaine fait place aux collines, le Gers commence, ce "gentle landscape" qu'affectionnent les anglais. Le château de La Réole, un peu en hauteur, a été complètement restauré, le parc qui l'entoure s'intègre parfaitement dans le paysage, avec ses perspectives très XVIIIème, ses points de vue. Il vous prend l'envie de vous asseoir là, de n'en plus bouger, près des bacs à orangers, pour dessiner, s'imprégner de la sérénité des lieux, et  de la beauté des oeuvres de Bergougnan, peintre Toulousain, qui fut professeur aux Beaux-Arts. Sa palette est magnifique, surprenante, ses natures mortes sont  habitées,






et son regard sur Toulouse est tout à fait original. Une centaine de tableaux provenant de collections privées sont réunis, et cela vaut vraiment le coup de se déplacer pour les voir. Occasion unique. Je regrette de n'être pas allée à l'hôtel des ventes lors de la succession. Les photos des oeuvres étant interdites, le lecteur de ce blog ne trouvera donc que celles du château. L'exposition dure tout l'été, la visite du château et de l'exposition est gratuite. Au retour nous avons pris une charmante petite route le long de la crête des collines de Cadours à Levignac.