Citations


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"
Sous le soleil du matin un grand bonheur se balance dans l'espace" Camus - Noces à Tipasa

"Demain, je surprendrai l'aube rouge sur les tamaris mouillés de rosée saline, sur les faux bambous qui retiennent à la pointe de chaque lance bleue, une perle." Colette . La Naissance du JourDé

"Déjà mon reflet d'arbre planté devant moi
L'image de ma vie entre ciel et terre;
le tronc qui va profond, les rameaux coupés courts,
le double geste des branches dures qui veut être
un désir d'embrasser le ciel;
0 mes bras trop courts envieux des oiseaux."

Mas-Felipe Delavouet, Pouèmo I
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lundi 11 avril 2011

Fougères... pavots.... coeur de Marie




si je devais renaître sous une forme végétale, j'aurais du mal à choisir entre ces trois là. Je crois cependant que la fougère l'emporterais. J'aime les regarder chaque jour dérouler leurs crosses dentelées. Cela m'émeut, cette grâce, les fougères comme des yeux. Il y a dans la fougère quelque chose d'animal, de mystérieux, d'infiniment doux et secret.  C'est une plante alchimique, André Breton le sait.


LE PUITS ENCHANTE

Du dehors l'air est à se refroidir
Le feu éteint sous la bouillottes bleue des bois

La nature crache dans sa petite boîte de nuit
Sa brosse sans épaisseur commence à faire luire les
  arêtes des buissons et des navires

La ville aux longues aiguillées de fulgores
Monte jusqu'à se perdre
Le long d'une rampe de chansons qui tourne en vrille
   dans les rues désertes

Quand les marelles abandonnées se retournent l'une
   après l'autre dans le ciel.
Tout au fond de l'entonnoir
Dans les fougères foulées du regard
J'ai rendez-vous avec la dame du lac

Je sais qu'elle viendra
Comme si je m'étais endormi sous des fuchsias

C'est là
A la place de la suspension du dessous dans la maison
des nuages

Une cage d'ascenseur aux parois de laquelle éclate par
    touffes du linge de femme
de plus en plus vert

A moi

A moi la fleur du grisou
le ludion humain de la roussette blanche
La grande devinette sacrée

Mieux qu'au fil de l'eau Ophélie au ballet des mouches
    de mai
Voici au reflet du fil à plomb celle qui est dans le secret des taupes

Je vois la semelle de poussière de diamant je vois le paon
   blanc qui fait la roue derrière l'écran de la cheminée

Les femmes qu'on dessine à l'envers sont les seules
     qu'on n'ait jamais vues

Son sourire est fait pour l'expiation des plongeurs de
   perles
aux poumons changés en coraux

C'est Méduse casquée dont le buste pivote lentement
dans la vitrine
De profil je caresse ses seins aux pointes ailées

Ma voix ne lui parviendrait pas ce sont deux mondes
Et même
Rien ne servirait de jeter dans sa tour une lettre toute
   ouverte aux angles de glu

On m'a passé les menottes étincelantes de Peter
   Ibbetson

Je suis un couvreur devenu fou
Qui arrache par plaques et finirai bien par jeter bas
    tout le toit de la maison
Pour mieux voir comme la trombe s'élève de la mer
Pour me mêler à la bataille de fleurs
Quand une cuisse déborde l'écrin et qu'entre en jeu la
    pédale du danger

La belle invention
Pour remplacer le coucou de l'horloge à escarpolette
Qui marque le temps suspendu

Pendeloque du lustre central de la terre
Mon sablier de roses
Toi qui ne remonteras pas à la surface
Toi qui me regardes sans me voir dans les jardins de
    la provocation pure
Toi qui m'envoies un baiser de la portière d'un train
    qui fuit.

André Breton  Signe Ascendant  






Dans l'oeuvre de Breton les références au milieu forestier sont constantes. Les images les plus marquées de tendresse et d'anxiété empruntent au demi-jour des futaies, une prédilection pour le chévrefeuille, la mousse et surtout la fougère -considérée avant tout dans le déroulement végétatif de sa crosse, en relation avec un processus vital ascendant  , mais de type lent qui n'a pas la réalisation instantanée de la forme, mais la contient et par degré, l'accomplit. La fougère assume chez Breton un rôle salvateur :
"J'ai vu ses yeux de fougère s'ouvrir le matin sur un monde où les battements d'ailes de l'espoir immense..."
                                                                                                                      Nadja
" Le premier cri de Mélusine ce fut un bouquet de fougère commençant à se tordre dans une haute cheminée"
                                                                                                                        Arcane 17

Mélusine, Brocéliande, la Bretagne, les fougères, les mousses  autant de symboles récurrents dans la poésie d'André Breton.

dimanche 10 avril 2011

petite fugue autour d'une adresse

Une de mes amies habite, depuis fort longtemps, Nîmes, qui si elle est une des villes les plus chaudes de France,
souvent inondée lors des phénomènes méditerranéens d'automne, est avant tout une ville magnifique, où depuis 20 ans les restaurations vont bon train : les Arènes, la Maison carrée, la tour Magne, les merveilleux jardins de la Fontaine, les ruelles étroites du vieux Nîmes, les placettes où l'on flâne en buvant un verre aux terrasses des cafés. Et puis tout près de Nîmes : Arles, Uzès, le Pont du Gard, Bagnols sur Cèze, tout cela fait que Nîmes m'inspire, et Myriam et son adresse.  Voici donc , au cours des années les petites variations que m'ont inspiré Myriam, son adresse et la belle Nîmes. Mon amie habite dans une rue qui s'appelait poétiquement rue de l'Arlésienne - évoquant Mistral et toute la Provence - et qui fut rebaptisée rue Gaston Tessier (syndicaliste notoire). Le nom de sa résidence,  Les Enganes , (engano en provençal, désignent les prairies de salicornes en Camargue où paissent les chevaux et les taureaux). La brandade de Nîmes, est une des spécialités de la ville, à base de crème fraîche et de morue. Les emblèmes de la ville sont une fontaine et un crocodile.  Tout ceci a donné naissance à toute une série d'art postal.

Petite fugue autour d'une adresse :

Las! L'arlésienne a disparu
On dit que Gaston l'a tuée
aux Enganes 335 fois
Myriam Marty en fut témoin
qui point n'est pusillaNIMES

 Toujours deux fois le facteur sonne
aux Enganes chez Myriam Marty
Mais Gaston jamais ne répond
il préfère le téléphone :
TESSIER  335 à NÎMES
où plus jamais les crocodiles
ne seront un jour magnanimes.


                                                                              
Il ne TESSIER point Gaston
d'être à ce point polisson
je préférais l'Arlésienne
celle qu'on voit à méridienne
aux Enganes avec une chienne
rousse comme elle a l'oeil si bleu
que ni de Versailles ni de Nîmes
la  reine à la robe grenadine
où fut Marty risée Myriam
ne vit jamais telle sirène.
       
Le crocodile de Nîmes
ne verse pas une larme
et seuls les imbéciles
ignorent de quoi je parle
Myriam Marty aux Enganes
se rit de tous ces fripons.
Elle est toujours Magnanime
Et fait le portrait de Gaston
Tessier, roi des Mirlitons
du Gard au sublime pont!           *dizain d'adresse en vers pairs et impairs qui de temps en temps font la paire.
                                             
                                                        
Cesse, Gaston, tes galéjades
et mange plutôt ta brandade  
c'est la meilleure de Nîmes
en tarte elle est sublime
et Tessier d'autant plus, Gaston
que Myriam Marty la cuisine
pour ses amis aux Enganes
trois cent trente cinq fois l'an.

335 rue Tessier
point de Taureau de Gardian
pas l'ombre d'une Arlésienne
Seule Mantecao la chienne
se prélasse dans les Enganes
tandis que Myriam Marty
Grille sa dernière Camel
en contemplant ses pastels
avant que d'aller voir Gaston
dans les jardins de la fontaine
près de la tour Magne à Nîmes.

Les beaux soirs de Mistral à Nîmes
l'on voit flotter dans les Enganes
les longs rubans d'une Arlésienne
qui vécut au 335
et qu'un fourbe Gaston Teissier
chassa au grand dam de Myriam.
                                                                           

L'on voit parfois une Arlésienne
passer, le soir, dans les Enganes
 Mélancolique, elle détourne
son pur profil devant Gaston
dont les prosaïques chansons
dispersées par le grand Mistral
s'effacent dans la proche Camargue
où Myriam Marty sans relâche,
croque taureaux et gardians
puis s'en retourne, satisfaite,
altière comme reine à NIMES
à ses côtés l'on croit voir
fidèle, l'ombre de Mantecao
veiller sur ses promenades.                                           

A Myriam Marty qui demeure
aux Enganes avec sa chienne
gare à Gaston l'escamoteur
qui enleva une Arlésienne
et peut-être 335 autres
que nul ne revit à NÎMES!

Facteur cette missive lascive
donne-la à Myriam Marty
qui vient de faire sa lessive
rue Tessier 335 aux Enganes
car rien autant ne la délasse
et certainement pas Gaston,
ce niais ignore l'audace
 d'offrir des vers de mirliton
à une reine de NÎMES.


Préposé à la distribution
du courrier de Myriam Marty
lequel arrive à foison
aux Enganes 335
rue Gaston Teissier à NÎMES
merci de ta contribution.

C'est sûr t'es scié Gaston
de voir chaque jour aux Enganes
rentrer au 335
la rousse Myriam Marty
si fringante dans son Denim
que même la reine de NÎMES
en blêmit de jalousie.

Mais qui est Myriam Marty?
Que sait-on d'elle? où vit-elle?
On sait qu'elle vit à NÎMES
là où demeurait l'Arlésienne
qui un jour disparut, énigme!
et Gaston ce croquemitaine
prit sa place, toute honte bue,
aux Enganes où chacun se tut!
                                                                                         
Qui se souvient de l'Arlésienne                                                       
qui demeurait dans les Enganes
335 nuits ont passé
depuis que Gaston Tessier                                
l'a enlevée, qu'en a-t-il fait?
Elle était belle quand elle passait                                
longue et altière silhouette,
rejoindre Myriam Marty
qui la dessinait à l'envie
dans les jardins de la Fontaine,
au frais gazouillis à NÎMES.


 et un dernier, hommage à Mistral :

Mas, dins les Enganas en NÎMES
de vespre en Setembre, quand la luna
trescula, talvetz, si pod auzir
lo sospir de l'Arletenco
que sosca d'aver perdud
son beù gardian amorous
per causa d'un vil Gaston. 



Quelques uns de ces poèmes d'adresses restent à expédier, mais tous les autres l'ont été et sont parvenus à leur destinatrice, j'en remercie les factrices et facteurs diligents et compréhensifs.
Je crois avoir épuisé le filon, Myriam il est grand temps que tu déménages.....

jeudi 7 avril 2011

Les petits pastiches de Mariz

.. Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de sardine trempé dans le lait de chèvre fermenté que me donnait Aïcha pour me consoler, aussitôt la maison aux murs ocres qui donnait sur le rempart vint comme un décor d'opéra se superposer à la terrasse où séchait le linge et, avec la maison, toute la medina depuis le matin jusques au soir et, en toute saison, le square où l'on m'envoyait jouer avant le déjeuner et qui jouxtait la mellah, le Palais Jamaï et ses cèdres, les chemins bordés de cyprès et d'orangers qui nous offraient leurs fruits savoureux par temps chaud. Et, comme dans ces kaléidoscopes où des petits morceaux de verres colorés, jusque-là indistincts, qui, à peine active-t-on le mécanisme, se mêlent, se dilatent, se superposent, se transforment en rosaces, en  fleurs, en papillons multicolores, en décors fabuleux des mille et une nuits, de même maintenant, les galeries à colonnades de notre patio, et sa fontaine, et les portes ouvragées de la grande Mosquée, et les artisans de la Médina, le braiement des petits ânes chargés de ballots, l'odeur des épices mêlée à celle de leur crottin, et la kasba de Cherarda et les maisons blanches et ocres écrasées de soleil et les ruelles étroites et inégalement pavées, et les mosquées et tout Fez et ses alentours, tout cela qui prend forme et solidité est sorti, ville et jardin, de ma boîte de sardines...

collage à la Magritte
                 Les petits pastiches de Mariz

  ( pour Cat qui aime les sardines et son enfance marocaine)