.. Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de sardine trempé dans le lait de chèvre fermenté que me donnait Aïcha pour me consoler, aussitôt la maison aux murs ocres qui donnait sur le rempart vint comme un décor d'opéra se superposer à la terrasse où séchait le linge et, avec la maison, toute la medina depuis le matin jusques au soir et, en toute saison, le square où l'on m'envoyait jouer avant le déjeuner et qui jouxtait la mellah, le Palais Jamaï et ses cèdres, les chemins bordés de cyprès et d'orangers qui nous offraient leurs fruits savoureux par temps chaud. Et, comme dans ces kaléidoscopes où des petits morceaux de verres colorés, jusque-là indistincts, qui, à peine active-t-on le mécanisme, se mêlent, se dilatent, se superposent, se transforment en rosaces, en fleurs, en papillons multicolores, en décors fabuleux des mille et une nuits, de même maintenant, les galeries à colonnades de notre patio, et sa fontaine, et les portes ouvragées de la grande Mosquée, et les artisans de la Médina, le braiement des petits ânes chargés de ballots, l'odeur des épices mêlée à celle de leur crottin, et la kasba de Cherarda et les maisons blanches et ocres écrasées de soleil et les ruelles étroites et inégalement pavées, et les mosquées et tout Fez et ses alentours, tout cela qui prend forme et solidité est sorti, ville et jardin, de ma boîte de sardines...
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collage à la Magritte |
Les petits pastiches de Mariz
( pour Cat qui aime les sardines et son enfance marocaine)
c'est exactement ça! avec le ciel liquide du crépuscule, le bruissement des bougainvillées, la branche d'absinthe qui s'endort dans le thé à la menthe... tout ce que j'ai rangé en moi de ce fabuleux pays, serré, confit par l'huile du temps, comme dans une boite les sardines...
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