Citations


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Sous le soleil du matin un grand bonheur se balance dans l'espace" Camus - Noces à Tipasa

"Demain, je surprendrai l'aube rouge sur les tamaris mouillés de rosée saline, sur les faux bambous qui retiennent à la pointe de chaque lance bleue, une perle." Colette . La Naissance du JourDé

"Déjà mon reflet d'arbre planté devant moi
L'image de ma vie entre ciel et terre;
le tronc qui va profond, les rameaux coupés courts,
le double geste des branches dures qui veut être
un désir d'embrasser le ciel;
0 mes bras trop courts envieux des oiseaux."

Mas-Felipe Delavouet, Pouèmo I
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mercredi 9 mars 2011

MONSTRES

Nous étions 4 enfants dans la petite maison des Vosges. Longtemps nous ne fûmes que trois, le dernier d'entre-nous étant venu au monde huit ans après moi. J'étais la seconde.L'hiver venu - et les neiges, et le froid, la

cuisinière charbon/bois marchait à plein régime dans la cuisine où la chaleur était presque étouffante. On n'allumait le poêle des chambres que lorsque la température extérieure voisinait les 0° et que des fleurs de givre étoilaient les fenêtres. Au-dessus de 0 on devait se
contenter de briques brûlantes enveloppées dans des journaux et un torchon pour réchauffer les draps glacés. Et puis, il y avait les édredons de plumes. L'hiver avant de se coucher, nous devions aller chercher au grenier, dans un coffre, les lourds édredons de plumes et les briquettes d'anthracite qui maintiendraient la cuisinière allumée toute la nuit.  Je redoutais ce moment. Je savais qu'un monstre se tenait tapi, invisible, dans un des recoins sombres du grenier et que lorsque je monterais chercher, le coeur battant, mon  "plumon" , il m'épierait, attendrait patiemment son heure, pour m'emporter au fond de son repaire.Je montais les marches le plus silencieusement possible, espérant tromper sa vigilance. Je connaissais tous les endroits où il fallait éviter de poser les pieds afin de ne pas faire grincer le bois des marches. Le coffre des édredons se trouvait en haut de l'escalier, à l'entrée du grenier, vite je me saisissais du premier édredon, l'ampoule sans abat-jour oscillait au bout d'un long fil dispensant une lumière jaune qui allongeait démesurément les camps d'ombre menaçants.
4 par 4 je redescendais les marches au risque de me rompre le cou, empêtrée dans l'édredon qui m'encombrait les bras, sentant sur mon cou l'haleine du monstre qui me talonnait. Je refermais sur lui la porte que j'avais laissé volontairement grande ouverte et tournais la grosse clé deux fois (mon père était étonné toujours de mon insistance pour qu'il huile les gonds  et la serrurede la porte du grenier régulièrement). Haletante, le dos appuyé à la porte, le coeur bondissant dans ma poitrine, je m'efforçais alors de me calmer et de respirer. Cette fois-ci encore je Lui avais échappé, mais je savais que ce n'était qu'un sursis, et qu'un jour viendrait où il réussirait à m'attraper et à m'emporter dans sa tanière, et cela me remplissait d'une terreur indicible.
Longtemps après avoir quitté la maison je rêvais que je devais monter au grenier et que le monstre une fois de plus me poursuivait et je me réveillais terrorisée, aucun monstre de cinéma : Nosferatu, Frankenstein, M le maudit, où le chasseur d'enfant de la Nuit du Chasseur ne m'a autant rempli d'angoisse.
Pourtant, dans la journée, le grenier ne suscitait aucune peur : l'été et l'automne c'était un espace de jeux agréable, avec ses odeurs de poussière et de vêtements d'hiver- imprégnés de naphtaline et rangés dans de grandes armoires anciennes-, qui se mêlaient au parfum des pommes reinettes qui se ridaient sur les clayettes et des noix dont, gourmande, je remplissais mes poches en cachette. Une lumière dorée ou blanche selon la saison tombait du larmier du toit, les bocaux de mirabelles, de brimbelles (c'est le nom que l'on donne aux myrtilles en lorraine), de haricots verts et de petits pois, les confitures couvertes de leur pellicule de paraffine et rangées sur les étagères offraient un spectacle rassurant. Aucun monstre ne se cachait la journée dans le grenier. C'était un autre lieu que celui de l'hiver et de la nuit aux ombres maléfiques.

   
Mon monstre était silencieux et invisible et d'autant plus terrifiant qu'il n'avait ni visage, ni forme, que je ne l'avais jamais vu, mais que je le savais tapi dans un recoin sombre du grenier à m'attendre.
La maison existe toujours, aujourd'hui vide et silencieuse, refermée sur ses souvenirs et sur les voix qui se sont tues, mais je sais que je redouterais encore de monter, une nuit d'hiver les marches raides de l'escalier du grenier où un monstre attend toujours - tapi dans l'ombre - l'enfant que je fus.




quelque chose que j'ai adoré, magique, poétique, 
sur la scène du grand théâtre le théâtre d'ombres intitulé Shadow monsters  de Philip Worthington où les spectateurs jouent  comme dans l'enfance à projeter des ombres chinoises qui fusionnent avec des éléments projetés par une caméra pour créer des monstres d'ombres.

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